- Marc Lazar -
Le «berlusconisme» a su fédérer des groupes sociaux très diversifiés et retenir un vaste électorat populaire.
Mais pourquoi les Italiens votent-ils pour Berlusconi ? C'est la question que se posent nombre de Français amoureux de l'Italie, souvent choqués par le comportement du président du Conseil comme par le périlleux conflit d'intérêts entre ses affaires privées et ses responsabilités publiques qui nourrit de fortes tensions et d'incessantes polémiques.
Deux rappels s'imposent d'emblée. D'abord, tous les Italiens ne votent pas pour ce milliardaire, propriétaire d'un groupe qui contrôle entre autres la moitié des chaînes de télévision : il dispose certes d'importants soutiens, mais suscite également une forte hostilité voire de la détestation. Le président du Conseil n'est d'ailleurs pas élu au suffrage universel. Aux élections législatives, son parti, Forza Italia, a obtenu pour la désignation des députés 23,7 % des suffrages en 2006 et, en 2008, devenu le Peuple de la liberté suite à sa fusion avec Alliance nationale, 37,3 %. Certes, Berlusconi en 2008 a pu compter sur les 8,3 % de son allié de la Ligue du Nord, ce qui a concouru à porter le centre droit à près de 47 % des suffrages : mais, si les électeurs de cette formation acceptent une union de raison avec «Il Cavaliere», ils n'ont jamais célébré un mariage d'amour avec lui et ne le reconnaissent pas comme un des leurs. Ensuite, Berlusconi, par deux fois, en 2001 et 2006, a été battu par Romano Prodi. Il n'y a donc pas d'irrésistible ascension de Berlusconi fondé sur une télécratie toute-puissante.
Un leader à double face
Néanmoins, Silvio Berlusconi domine la scène politique italienne depuis quinze ans, qu'il soit au pouvoir ou dans l'opposition. Comment interpréter sa présence obsédante, ses trois victoires électorales de 1994, 2001 et 2008, son succès récent aux dernières européennes, fût-il inférieur à ses espérances, et, encore maintenant, sa popularité élevée ? À partir du début des années 1990, l'Italie a été ébranlée par une terrible crise politique. L'opération «Mains propres» des juges milanais a aidé à faire tomber toute une partie de la classe politique traditionnelle, disparaître les partis de gouvernement, en particulier la Démocratie chrétienne et le Parti socialiste, inciter le Mouvement social italien, néofasciste, à se métamorphoser, renforcer la transformation du Parti communiste en force réformiste, favoriser le développement de la Ligue du Nord et précipiter l'entrée en politique de Silvio Berlusconi. Celui-ci révolutionne la communication politique, utilise les techniques de marketing, et mobilise ses télévisions. Il s'érige en un leader à double face : d'un côté, l'homme qui se prétend nouveau ne respecte pas les règles, lève les tabous, multiplie les provocations, enfreint les règles du métier politique ; de l'autre, au contraire, celui qui se veut homme d'État, tutoyant ses collègues, s'occupant des affaires du monde, redonnant de la fierté à son pays.
Absence d'un adversaire de poids
Berlusconi s'est adapté à la montée en puissance de la démocratie de l'opinion et à la personnalisation de la vie publique. Il s'est révélé un vrai acteur politique, exploitant la crise de la gauche italienne incapable de se doter d'une identité, d'un projet, et de constituer une alternative crédible. Il a unifié les droites en un seul parti, le Peuple de la liberté, et scellé une solide alliance avec la Ligue du Nord à qui il donne en ce moment satisfaction sur presque tout. Il occupe ainsi un vaste espace politique qui va des confins de l'extrême droite au centre modéré. Berlusconi a su conquérir une hégémonie «culturelle», en occupant le vide laissé par la disparition de la Démocratie chrétienne et la faiblesse de la gauche.
Il a mis ensemble des valeurs contradictoires, tradition et modernité, Europe et nation, libéralisme et protectionnisme, sécurité et compassion sociale, lutte contre l'immigration clandestine et réconciliation avec la Libye, etc. Cela lui permet de cimenter son bloc social composé de groupes très diversifiés : professions libérales et chefs d'entreprise (notamment dans le nord du pays), commerçants et artisans, mais aussi laissés-pour-compte de la modernisation, personnes apeurées par l'arrivée des immigrés, l'Europe, la mondialisation, gens de faible niveau d'instruction, catholiques pratiquants, bref un vaste électorat populaire.
Sa popularité est-elle immuable ? Les sondages d'Ipsos enregistrent ses fluctuations (cf.graphique ci-dessus). En 2004 et 2005, Berlusconi, au pouvoir depuis 2001, a déçu ses électeurs. L'approche de l'élection et sa campagne hyperactive font remonter sa cote de popularité, et il est battu d'une poignée de voix. Dans l'opposition, il se refait une santé, profitant de l'impopularité du gouvernement Prodi. Réélu en 2008, avec une majorité parlementaire absolue, il connaît un état de grâce vite rompu, entre autres, par l'adoption de la loi Alfano (qui donnait une immunité aux quatre plus hautes charges de l'État, mais qui vient d'être déclarée non conforme à la Constitution par la Cour constitutionnelle et qui est massivement rejetée par les Italiens). Sa popularité remonte au zénith au début de l'année 2009, en particulier au lendemain du tremblement de terre des Abruzzes alors qu'il se rend fréquemment sur place. Mais elle baisse avec les révélations sur sa vie privée. Berlusconi a perdu 6 points (tableau 3) en quelques mois. La chute est particulièrement prononcée chez les catholiques pratiquants, les habitants des petites villes, les Méridionaux, soit l'Italie traditionnelle, sans doute sensible aux critiques venues de l'Église, mais également chez les chefs d'entreprise et les professions libérales, préoccupés par la détérioration de l'économie italienne. Il perd aussi chez les jeunes de 25 à 34 ans et les personnes les plus âgées.
À 73 ans, s'annonce sans doute l'automne de Berlusconi. Qui toutefois inspire toujours de la confiance à près d'un Italien sur deux. Et qui bénéficie pour l'instant de plusieurs atouts : le contrôle d'une bonne partie de la télévision et l'absence d'un adversaire de poids comme d'un candidat à sa succession dans son propre camp. Au royaume des aveugles…
PER LA TRADUZIONE IN ITALIANO CLICCA QUI
fonte: http://www.lefigaro.fr/international/2009/11/03/01003-20091103ARTFIG00679-berlusconi-les-ressorts-d-une-longevite-.php
FONTE
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